Jacques est né le 30 octobre 1942, au 31, rue Caussemille, en Alger. Il décède le 23 mai 2011.

Il est le fils d’un employé des « Chemins de Fer Algériens » et d’une ouvrière de la fabrique d’allumettes de ce quartier à l’Est d’Alger, appelé « Le Hamma ». Après le décès de sa mère en 1953, et jusqu’au remariage de son père en 1956, il est à la fois mentor et ‘‘mère’’ de substitution de ses 3 jeunes frères.

Après les écoles secondaires locales, Jacques est admis avec la ‘‘promo 59/63’’ à l’E.N.P.A.

Un peu d’Histoire d’avant l’exode de 1962 : En Algérie, française à cette époque, les années 1960, 1961 et 1962 sont singulièrement troublées par le terrorisme et l’état de guerre ambiant, dénommé : « évènements ».

1962, c’est la fin. Les ignominieux et funestes jours de mars : le 19 (accords d’Evian), les 20, 22, 23, 24, 25 (blocus de Bab-el-Oued), le 26 (massacre, rue d’Isly à Alger) et 5 juillet (tueries en règle à Oran) sonnent le glas de cette « Algérie française » chère au cœur des Européens surnommés ‘‘Pieds-Noirs’’.

(Mais s’il s’agit d’Indiens, ils restent par leur vécu, semblables aux « Derniers des Mohicans »).

Jacques, comme ses compatriotes d’origines européennes, souhaite pourtant demeurer dans ce pays, le sien, qui est alors bradé’’ par un pouvoir marchant « sur les sentiers de la gloire ».

L’Histoire jugera, après que seuls les historiens étrangers, pourront, avant longtemps, écrire la vérité sur ce passé.

L’ENPA cesse donc sa principale activité en avril 1962. Tous les élèves de l’Ecole rentrent chez eux.

Les sursis militaires sont supprimés. En mai 1962, un appel par la ‘‘Radio’’ ordonne aux jeunes de plus de 19 ans de se présenter pour incorporation obligatoire. Des barrages policiers et rafles ont lieu pour capturer cette jeunesse ‘‘sans collier’’, égarée qui alors doit se cacher.

Dans ce climat d’inquiétude, de tension et d’insécurité, Jacques ainsi que bon nombre de ses camarades sont ‘‘rattrapés’’ puis incorporés, loin de leur pays natal, en Allemagne ou en France.

L’éxode de sa famille : Jacques donc, est contraint de quitter l’Algérie, vers la fin mai 1962.

Ce service national forcé, commencé dans l’Armée de l’Air à Doullens se poursuit à Cognac.

Sa famille est éparpillée : le père en Région parisienne, l’épouse à Salon de Provence, les frères à Corneilla (66).

La suite de ses Etudes : Après son refus de faire carrière dans l’armée de sa « marâtre » patrie, il est libéré de ses obligations militaires, et reprend ses études interrompues en 1962.

L’année scolaire étant entamée, il parvient néanmoins à intégrer une section ‘‘mécanique’’ au lycée de Corbeil-Essonnes (91). Puis, à Champagne-sur-seine (77) il obtient le BTS en Electronique.

Au lycée de Corbeil aussi, il rencontre Annie âgée de 15 ans. Ils ne se quittent plus et se marient en 1966.

Sur le plan professionnel : Ses études poursuivies, aussi bien théoriques que pratiques, lui permettent des emplois d’ingénieur dans des sociétés telles que :

> LHOMARGY à Draveil (91) qui conçoit et réalise des appareils de mesures et des automatismes industriels. Jacques a conçu un « radar de route », un « variateur de lumière ». Aucun brevet n’ayant été déposé, le concept en est repris par la Sté Legrand.

> TECALEMIT, accessoiriste automobile, dans le Val-de-Marne.

> SOFED, qui conçoit et réalise des projecteurs de diapositives, à Maisons-Alfort (94).

En 1977, il doit faire face à une période de 9 mois de chômage due à la perte de charge, au dépôt de bilan et à la liquidation des biens de la Société.

> Après avoir voulu émigrer en Afrique Noire, au Maroc, en Iran, en Australie, Jacques et Annie, alors avec quatre enfants, se retrouvent perdus dans la campagne creusoise. Il y est employé par la Sté ACAPLAST comme Directeur Technique et manager de l’unité de production de Bénévent. Cette Société est compétente dans les domaines des caoutchoucs et plastics pour automobiles et ‘‘travaux publics’’.

L’aspect humain : Lorsqu’il a des responsabilités hiérarchiques, notamment chez ACAPLAST ses qualités humaines se révèlent. Il est très apprécié et estimé par le personnel jeune et novice dans ce métier.

Isidore, un des ses amis, un peu plus jeune, de peau noire, né aussi en terre d’Afrique, exprimait publiquement que comme lui, il était imprégné des mêmes vibrations de ce continent. Il ajoutait que Jacques d’un contact humain très enrichissant, était tel un grand frère envers qui il avait du respect.

Il appréciait aussi « sa grande ouverture d’esprit, sa tolérance et son sens de l’accueil qu’il retrouvait dans toute sa famille ».

Et nous, ses anciens camarades, après 47 ans de perte de vue, avons retrouvé identiques son regard si pétillant, son espièglerie, son sens de l’humour parfois ‘‘pince sans rire’’, et lui-même toujours heureux de vivre.

Sa vie familiale : Jacques et Annie ont élevé 7 enfants : 3 nés de leur union, et 4 adoptés venant d’Asie …

L’aîné a 43 ans, … la dernière, 32 ans.

Un de leurs fils travaille en Tunisie, ce qui a permis à Annie de faire connaissance du Sud du Maghreb et à Jacques de retrouver des senteurs qu’il ne pouvait avoir oubliées.

Une fille vivant à Munich, les a amenés à découvrir et visiter la Bavière.

Une autre fille a vécu 5 ans aux USA où elle jouait en équipe de Tennis nationale, ce qui lui a permis de financer elle-même ses études, et à ses parents de visiter le Texas et la Louisiane …

Tous ces enfants de la famille ont pu échanger avec leur père, avant son départ consenti dans l’au-delà, les mots du passage de relais de cet héritage d’Amour.

La vie de Jacques et Annie, même parsemée de douleurs et parfois de lendemains incertains, a été bien remplie et heureuse.

Qui fera mieux ? Sur les vestiges des jours, Jacques, qui donc pourrait t’oublier ?

Tes camarades, tes amis, tes frères te disent : Adieu Jacques !

JUIN 2011. Jean PAGES.

(Avec l’autorisation d’Annie TRINCHANT).